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Justice au Tchad : qu’est-ce qui n’a pas marché ?

Les magistrats ont décidé une fois de plus à l’unanimité d’aller en grève sèche et illimitée sur l’ensemble du pays. Cette décision a été prise ce lundi 21 mars 2022, à l’issue d’une assemblée générale tenue au palais de justice de N’Djaména par les deux syndicats des magistrats à savoir : le Syndicat des magistrats du Tchad (SMT) et le Syndicat autonome des magistrats du Tchad (SYAMAT). Les raisons avancées sont entre autres l’insécurité que subissent les juges dans certaines contrées du pays, le non-respect de l’autorité judiciaire et surtout la corruption de certains magistrats dans le traitement des dossiers.

Pourtant, pas plus tard qu’une semaine, précisément du 17 au 19 mars de la même année en cours, les magistrats avaient déjà observé un arrêt de travail pour protester contre l’agression d’un des leurs à Mao, dans la province du Kanem, dans la partie nord du Tchad. 

Il faut préciser que les problèmes qui rendent l’accès à la justice complexe et difficile pour les citoyens tchadiens, et qui se tournent souvent vers une justice privée basée sur la vengeance, sont nombreuses.

Salle de tribunal
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Pourquoi ces grèves répétitives ? Entre la justice et ses usagers, qu’est ce qui n’a pas marché ? La grève est-elle une solution ?

Quand les hommes de droit décident d’aller en grève pour réclamer justice, cela prouve à suffisance que la situation est gravissime. Il faut tout d’abord mentionner que les magistrats tchadiens ne sont pas à leur première fois d’observer une grève contre ce qu’ils qualifient d’une « entrave au bon fonctionnement de l’appareil judiciaire ». Mais pour cette fois-ci, ils protestent contre l’agression physique, la destruction du véhicule de tribunal et l’attaque perpétrée contre le parquet dans la ville de Mao.

Aussi, il y a certaines personnes qui commettent des infractions graves, mais la police ne les arrête pas. Même si la police les arrête, ils bousculent cette dernière et finalement la police choisit sa cible. La loi n’est pas la même pour tous, malheureusement. Le comportement des élèves dans les écoles prouve que les Tchadiens vivent dans une situation extrêmement grave. Il y a une rupture entre la société et la justice. 

Au mois de février dernier, huissiers de justice, avocats et notaires sont descendus dans la rue pour « exiger le respect des droits humains ».

Mais est-ce vraiment une solution idoine ?

Au Tchad, la robe noire subit des exactions de toute part, une justice qui reflète l’opposé de sa définition, miroitant la vulgarité au sein d’un État dit « de droit ». 

La problématique qui devrait être traitée par la justice devient aujourd’hui la cause de son dysfonctionnement.

Mais finalement, à qui peut-on confier sa sécurité dans un pays où les magistrats réclament justice ?

Le fonctionnement de la justice au Tchad est un problème très sérieux qu’il faut y réfléchir très profondément pour qu’il y ait une approche de l’égalité citoyenne, sinon tout ce qu’on peut faire comme développement, élections et légitimité n’auront aucun sens et ça nous le vivons malheureusement.

Juge
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La vraie image de la justice au Tchad

Presque tous les Tchadiens connaissent la vraie image de leur justice !

Si la justice en tant qu’institution et qui a pour fonction d’appliquer les lois d’une manière rigoureuse, ce n’est pas le cas au pays de Toumaï. Influencée très souvent par le pouvoir exécutif, la justice tchadienne suscitait toujours le ras-le-bol à l’égard des innocents. Cela s’explique par le non-respect des procédures et les arrestations arbitraires qui se pointent à l’horizon. Mais aussi, on y constate une incompétence et ignorance notoires émanent de certains juges.

On peut même dire que parmi ces derniers, il existe des vénaux qui jonglent avec les procès, au détriment des pauvres accusés. L’organisation judiciaire ne répond en aucun cas aux normes d’une justice digne de son nom. Pendant l’audience, on assiste à une mise en scène théâtrale de Charly Chapelin ou de Mr Bean du fait que les têtus juges babillent et ne parviennent pas à être persuasifs. Ils ne sont pas cohérents dans leurs propos. Ça taraude quotidiennement l’esprit des justiciables, et au final personne n’a confiance en cette justice d’où chacun se permet de résoudre ses problèmes de la manière qui lui semble appropriée. 

Le pouvoir judiciaire n’a pas suivi le rythme de l’évolution des obligations du Tchad pour ce qui est du respect des droits de l’homme, et l’impunité qui demeure un problème permanent, car la majorité de ceux qui ont perpétré des graves violations des droits de l’homme n’a pas été traduite en justice tel que le disent les lois.

Comment y remédier autrement que d’aller en grève ?

Pour être objectif et répondre à la question, je crois que la grève n’est pas et ne sera jamais une solution au respect des règles judiciaires édictées par la législation tchadienne. 

D’aucun ne croit un jour que toute une institution compétente censée punir les exactions et violences, ferme ses portes sous une menace de violence. Les magistrats dans la vocation de leur fonction sont dotés de pouvoir, et ont depuis toujours la charge non manipulable celle de conserver la paix et maintenir l’ordre public. Les magistrats ne doivent en aucun cas se rabaisser à ce niveau de protestation, car ils incarnent la puissance publique.

Si la justice tchadienne est décriée aujourd’hui, c’est par rapport au comportement de ceux qui sont censés rendre justice au nom du peuple.  Le système judiciaire éprouve encore toutes les difficultés pour répondre efficacement aux aspirations profondes des populations en matière d’accès à la justice. Ce système est malade parce qu’il est gangrené par l’immixtion récurrente des autorités administratives et militaires dans les affaires judiciaires.  Cette situation conduit souvent à des violations des droits fondamentaux des citoyens, à la disparition de dossiers, à la corruption des magistrats, à des nominations qui ne respectent pas les critères élémentaires d’ancienneté et l’agression physique des juges.

Il est temps que le peuple tchadien dispose d’un système judiciaire soucieux du respect des libertés individuelles et des droits fondamentaux. Pour redorer son blason et donner à la justice ses lettres de noblesse, il est important que le pouvoir judiciaire soit autonome afin de rendre possible ses tâches. Les juges doivent aussi mettre leurs efforts en évidence dans les soucis de faire preuve d’une cruciale compétence et d’une dignité qui sera appréciée par tous. C’est ainsi que la justice peut tirer sa valeur. Un Etat ne peut se consolider sans la justice.

La justice, un idéal pour tous !

A lire aussi : Tchad : un cycle de violence en milieu scolaire

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Commentaires

Abdel Aziz Hissein Adiko
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Les magistrats doivent comprendre que le choix de servir la justice est une lutte permanente. Il faut qu'ils arrêtent de se victimiser, l'Etat les a accordé des pouvoirs non négligeables pour être indépendant et assurer leur fonction, tout ne peut pas leur servir dans un plateau d'argent. Il faut qu'il arrache ses pouvoirs.

Moussé
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Voilà les propos d'un vrai juriste qui incarne la nouvelle génération des magistrats ! C'est une lutte perpétuelle que les magistrats doivent mener ! Merci pour le commentaire 🙏