Crédit: Moussé TAHIR

Journée mondiale de la liberté de la presse : au Tchad, la situation reste toujours critique

Le 3 mai a été proclamé Journée mondiale de la liberté de la presse par l’Assemblée générale des Nations unies en 1993, suivant la recommandation adoptée lors de la vingt-sixième session de la conférence générale de l’UNESCO.

La célébration de cette journée fut également une réponse à l’appel de journalistes africains qui, en 1991, ont proclamé la Déclaration de Windhoek sur le pluralisme et l’indépendance des médias.  

Cette journée permet aux journalistes de célébrer les principes fondamentaux de la liberté de la presse, d’évaluer la liberté de la presse à travers le monde, de défendre l’indépendance des médias et rendre hommage aux journalistes qui ont perdu leur vie en exerçant cette profession. L’édition de cette année se concentrera sur le thème « Le Journalisme sous l’emprise du numérique ». Le choix de ce thème consiste à mettre en lumière les multiples façons par lesquelles les très récentes évolutions (collecte du big data et l’intelligence artificielle), ont impacté le journalisme, la liberté d’expression et la vie privée. Comment les médias fonctionnent et les journalistes arrivent à s’en sortir ?

La genèse de la presse au Tchad

Le Tchad, après tant de décennies de régime monopartite, accède à une ère nouvelle du multipartisme pratiquement en 1990, l’année du balbutiement de la démocratie ou la liberté d’expression, la liberté de la presse et la liberté d’association ont consacrés les droits universels de l’homme. Dans ce contexte, les médias participent à l’éducation du peuple tchadien et harmonisent la vie sociale.

La Radio du Tchad créée le 03 décembre 1955 par la SORAFOM comme tout autre radio de l’Afrique noire était installée par la métropole, mais après les indépendances, elle apparaît comme un instrument de l’administration mais aussi comme un moyen d’éducation.

Evolution des médias au Tchad

Le paysage médiatique tchadien est multidimensionnel mais très peu compétitif. A l’aube des indépendances, le pays ne comptait qu’une seule radio qui couvre jusqu’à nos jours l’ensemble du pays et d’une seule agence de presse, l’actuelle Agence tchadienne de presse et d’édition (ATPE). Durant toute cette période, il a fallu entendre une vingtaine d’années pour voir naître officiellement une chaîne de télévision nationale.  

Une vue du premier quotidien au Tchad. Le Progrès. Crédit photo : Moussé TAHIR

C’est vers les années quatre-vingt-dix que d’autres radios et presses privées ont vu le jour. Mais aujourd’hui, on assiste à une augmentation constante des WebTV, journaux en lignes et radios.

L’état de la liberté de la presse au Tchad

Nous ne pouvons pas parler de la liberté de la presse, sans parler du paysage médiatique tchadien, du classement du Tchad en matière de la liberté de la presse selon Reporters Sans Frontières, des médias publics qui restent toujours contrôlés par le ministère de la communication, des médias privés qui fonctionnent toujours dans la précarité et enfin des nouveaux médias (journaux en ligne). Pour être honnête, j’avoue que laliberté de la presse au Tchad est une chimère. Les journalistes sont mal traités.

Les médias publics

Souvent contrôlés par le Ministère de la communication et de l’information, les médias publics travaillent dans un état de délabrement total. Dans ces médias, les responsables sont nommés par le gouvernement. Ils possèdent une ligne éditoriale trop partisane et folklorique et les journalistes qui essayent de critiquer même en dehors des bureaux sont arrêtés arbitrairement ou suspendus. Dans ces médias publics, certains responsables ne peuvent même pas s’exprimer sur les réseaux sociaux par peur de perdre leurs postes. Au lieu de consacrer leurs activités au service de tous les tchadiens, ces médias se contentent de servir seulement le gouvernement.

Les responsables sont sommés de ne pas couvrir par exemple les activités de certains hommes politiques, or en temps normal, les principes d’impartialité et de neutralité sont ancrés chez les journalistes et ce qui compte c’est de traiter fidèlement l’information comme le code d’éthique et la déontologie le recommande.

Les médias privés

Ils occupent presque 70% du poids et actuellement sans eux, la visibilité est réduite, les médias privés travaillent dans la plus grande précarité et cela s’explique par le goût élevé de l’impression des journaux et le marché publicitaire trop restreint. L’Etat qui verse une subvention par an, les journaux ont reçu une maigre somme à la veille de l’élection d’avril 2021. Beaucoup parmi ces médias travaillent sans modèle économique, obligeant les journalistes à prendre de l’argent soi-disant pour leur déplacement lors de reportages et c’est vraiment déplorable. Un travail sérieux doit être fait par les responsables de ces médias pour assurer leur autonomie.

Dans ces médias, les journalistes sont régulièrement menacés, arrêtés et torturés dans l’exercice de leur fonction. En 2020 par exemple, lors de la pandémie du Covid19 ou un couvre-feu a été instauré, plusieurs journalistes ont fait l’objet d’arrestations malgré la présence d’une carte de presse. Ces médias souffrent des sanctions de la Haute autorité des médias et de l’audiovisuel (HAMA) qui se couvre derrière le code d’éthique et de déontologie du journalisme tchadien (adopté en 2013 lors de la journée internationale de la liberté de presse). Ces problèmes se passent sous le regard des autorités qui sont d’ailleurs contentes que les médias privés soient torturés de la sorte.

Classement du Tchad en matière de la liberté de la presse selon (Reporters Sans Frontières)

Selon le classement mondial de la liberté de la presse de 2022, établi par Reporters sans frontières (Rsf), le Tchad occupe la 104ème place sur 180 pays. Il faut aussi mentionner les forces de l’ordre intimident et violent constamment les locaux des radios. Une situation qui a obligé Reporters sans frontière à appeler plusieurs fois les autorités à laisser les journalistes exercer librement leur travail.

Une vue d’un journaliste en interview avec une fillette. Crédit photo : Moussé Tahir

En 2021, lors de la campagne électorale qui a conduit à l’aboutissement d’une réélection pour un 6eme mandat du défunt président maréchal, la Haute autorité des médias et de l’audiovisuel (HAMA) pour limiter les journalistes à s’exprimer, a procédé à la signature d’une charte en période électorale qui rappelle des dispositions contenant l’éthique et la déontologie mais exige surtout une couverture équitable pour tous les candidats. Une décision qui a poussé la plupart des médias privés ont décidé de s’abstenir de couvrir la campagne. Aussi, ceux qui ont violenté les journalistes n’ont jamais été traduits en justice.

C’est pour dire que dans l’exercice de leur métier, les journalistes sont toujours victimes de harcèlements, de persécutions et autres pratiques dégradantes et humiliantes. Que cela change !

Je souhaite bonne célébration aux confrères et consœurs du Tchad et ceux du monde entier !

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Auteur·e

leblogdemousse

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