Crédit: Moussé Tahir

Au Tchad, un mois de ramadan très atypique

Les fidèles musulmans tchadiens, à l’instar de ceux du monde entier, ont débuté le mois béni du ramadan le 2 avril 2022. Pour les musulmans, ce mois est d’une grande importance, où ces derniers observent pendant 30 ou 29 jours un jeûne quotidien qui commence à l’aube, lors de la prière du ‘’Fadjr’’ et prend fin au coucher du soleil, c’est-à-dire lors de la prière du ‘’Maghreb’’. Le ramadan est aussi l’un des cinq piliers de l’islam.

Par rapport aux années précédentes où il a plu dans certaines zones du pays, le mois béni de ramadan de cette année est vraiment très atypique. Cela s’explique par plusieurs aspects, à savoir : de fortes températures, l’augmentation du prix des denrées alimentaires et les coupures intempestives de l’électricité.

Comment les fidèles arrivent à s’en sortir et remplissent leur devoir religieux malgré tout ça ?

Au-delà de tout ça, les musulmans tchadiens observent leur jeûne et vaquent normalement à leurs activités quotidiennes comme si de rien n’était. Vers 17h, on observe plusieurs embouteillages dans la capitale N’Djaména. Chaque personne est pressée en voulant rentrer très vite pour la rupture qui est généralement un temps festif et se prend en famille ou entre amis.  

Avril, un mois de fortes températures au Tchad

Parlant de la température, il faut mentionner que le climat du Tchad est désertique au nord, alors qu’il est semi-désertique dans le centre et tropical avec une saison de pluie dans le sud. Ce qui veut dire que le pays à un climat varié.

Au mois d’avril, la capitale N’Djaména bénéficie chaque jour d’un très bon ensoleillement d’environ 9h. La température moyenne est comprise souvent entre 27° et 43°. Mais bizarrement, cette année, la première semaine du ramadan a été marquée par de fortes températures qui remontent jusqu’à 47° à l’ombre. C’est pour dire combien de fois c’est insupportable !

Une vue de la circulation en plein Avril à N’Djaména. Crédit photo : Moussé Tahir

Coupure de l’électricité comme d’habitude

Pour cette année, le mois de ramadan est venu à une période chaude. Dans la ville de N’Djamena, sur certains axes, la circulation est presque réduite à partir de 12h seulement. Chacun cherche un endroit où il fait froid pour se reposer. Une situation inexistante les années précédentes.

L’absence d’électricité dans la capitale oblige certains fidèles à aller dans les jardins pour valider leur journée. Mais ce n’est pas le cas chez certains pères de familles qui doivent, malgré la forte température, travailler pour subvenir aux besoins de leurs enfants. La société tchadienne d’électricité (SNE) est incapable d’approvisionner la capitale durant cette période très difficile et cela se passe sous le regard des autorités qui sont incapables de satisfaire leurs populations.  

Chaque soir pour casser le jeûne, les jeûneurs voulant de l’eau fraîche font face à une pénurie en raison d’un manque d’électricité pendant plusieurs jours.

Face à cette situation, certains ont pris congé pour aller valider ce mois dans des pays où il fait frais, mais pour d’autres, à défaut de moyens, ils passent leurs journées au bord du fleuve Chari à la recherche de la fraîcheur avec un grand risque, car depuis le début du ramadan, l’on note déjà plusieurs morts à cause de noyade. Les autorités ont exhorté les parents à empêcher leurs progénitures qui s’adonnent à cette pratique de se rendre au fleuve Chari.

Augmentation des prix des produits alimentaires

Une canicule, accentuée par la flambée des prix des denrées alimentaires, c’est dans ces conditions que les fidèles musulmans ont commencé le jeûne. Dans les marchés de la capitale, les fidèles musulmans se grouillent pour s’approvisionner en produits alimentaires pour ce mois de jeûne.

Le prix a grimpé et a influencé négativement les revenus des ménages pauvres qui sont déjà affectés par les effets de la maladie du coronavirus.

Le prix des produits alimentaires de base comme la farine, la pâte alimentaire, l’arachide, le sucre et l’oignon ont augmenté d’une manière inattendue laissant la population dans une situation extrêmement grave. Il faut peut-être préciser que, quand on parle de personnes pauvres au Tchad, c’est ceux qui arrivent à garantir deux repas par jour, pas ceux qui sont dans des maisons climatisées.

Plat pour la rupture du jeûne: Crédit photo : Moussé Tahir

Une barre de la glace se vend à 1500 FCFA

A l’approche de l’heure de la rupture du jeûne, sur les différents axes, on rencontre plusieurs personnes en train de monologuer sur comment faire pour avoir de la glace. Il y en a certaines qui font de kilomètres pour n’avoir qu’un morceau de barre de glace au prix exorbitant pour leur famille.

Certains commerçants grossistes font de la spéculation sur les prix des barres de glace. Initialement, le prix d’une barre était à 750 FCFA, durant cette période de ramadan, il est passé à 1500 FCFA voire 2000 FCFA dans certains coins, soit un double prix ou même plus.

« Cette année il fait chaud et en plus il n’y a pas d’électricité en permanence, c’est pourquoi les ménages tchadiens sont obligés d’accepter cette hausse des prix », nous explique un client. Le seul argument avancé par les commerçants c’est la guerre.

Une vue de l’intérieur de l’usine de fabrication de la glace. Crédit photo : Moussé Tahir

Aucune aide de l’Etat aux personnes vulnérables

En 2021 pendant le ramadan, les autorités ont lancé l’opération dénommée « Juste prix » qui vise à réduire de 15 % le prix des denrées alimentaires et autres produits de première nécessité dans le but de soulager les consommateurs dont le pouvoir d’achat est bas.

En son temps, les produits concernés par ladite opération sont le riz, les pâtes alimentaires, la farine de blé, le sucre, l’huile, la tomate concentrée, le maïs, le mil, le sorgho, le haricot, les oignons, l’ail, la viande, le poisson etc…

Mais une année après, tout le monde s’interroge sur l’efficacité de cette opération.

Où en est-on avec l’opération « Juste prix » cette année ? Pour y répondre, l’opération « Huste prix » qui devait alléger la souffrance des ménages a justement « disparu ».

Des associations essayent d’apporter une aide aux jeûneurs

Pour essayer d’apporter leur pierre de contribution dans le quotidien des tchadiens, de jeunes lancent diverses initiatives pour aider les ménages vulnérables. C’est le cas de Naftourou Sawa, qui signifie « Rompons le jeûne ensemble » en arabe local tchadien.

C’est une campagne participative annuelle lancée en 2021 et qui a pour but d’apporter une aide alimentaire aux familles modestes pendant le mois de Ramadan.

Le ramadan au Tchad est un défi pour les pauvres !

Ramadan Moubarak !

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Auteur·e

leblogdemousse

Commentaires

Adji Wattara Mbodou
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Un constat amer, mais aussi une réalité vécue. Très belle description ! Félicitations !

Moussé
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Merci infiniment mon cher.

Youssouf Djibrine Adoum
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Merci le blogueur Moussé Tahir d'avoir relaté le fait réel des difficultés que rencontrent la population tchadienne en cette période de ramadan. S'agissant des problèmes de la cherté de vie pendant ce mois béni et de l'électricité, l'Etat tchadien est responsable. Normalement, il doit faire un suivi régulier sur les marchés pour voir le prix de denrées alimentaires qu'il a fixé, si un commerçant augmente le prix d'une denrée au marché, on doit le punir et ça donnera des leçons aux autres commerçants. S'agissant de la SNE, l'Etat doit revoir les sources d'énergie au lieu de thermique pourquoi pas mixte (thermique et photovoltaïque) en cette période de chaleur ? Tout en recrutant les techniciens du domaine au sein de cette boiteuse société. Je donne aussi un petit conseil à nos commerçants, d'être sérieux et honnête, de ne pas augmenté brusquement le prix de denrées sur le marché étant de croyant , il faut qu'ils pensent aux démunis. En fin s'agissant de la forte chaleur, le personnel de l'environnement, doivent sensibiliser la population tchadienne de ne pas détruire le couvert végétal et de multiplier à planter les arbres partout afin de transformer le désert en forêt.

Moussé
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Merci infiniment Ingénieur pour ce témoignage. Nous allons nous battre pour continuer à dénoncer ce qui ne marche pas dans la société.

Youssouf Djibrine Adoum
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Je t'en prie mon blogueur. Je t'encourage à continuer pour dénoncer ce qui ne marche pas dans la cette société.